10 mars 2020
Bien loin d'imaginer un confinement la semaine suivante...il m'est venu l'idée, lors d'un petit apéritif, de tracer un parcours ultra, mais pas trop, "Gravel", mais pas trop...direction la source de la Moselle! (Bussang/Vosges)
Quelques heures plus tard, une belle boucle était née, de 480 km pour environ 4000 m de dénivelé positif.
Et puis voilà, confinement. Près de 1500 km de home trainer plus tard, on peut de nouveau sortir nos vélos dans la vraie vie, et enfin quitter Zwift. Du temps s'est écoulé depuis mon idée saugrenue, mais j'y pense régulièrement. Comme l'année précédente, j'ai posé la plupart de mes congés pour participer à des courses ici et là... Et, annulations à répétition obligent, je sais que je vais avoir quelques fenêtres de tir. D'ailleurs, au moment d'écrire ce résumé, certains de mes collègues D'AMW Cycling sont en train d'en finir avec le Tour des stations, que j'envisageais de faire aussi, avant d'abandonner la compétition pour cette année. Une grande pensée pour eux! (240 km...8000 de d+ !!).
Bref, je décide donc, la semaine dernière, d'investir dans du matériel de voyage afin d'embarquer le nécessaire sur mon fidèle Triban 520, qui m'a fait découvrir cette magnifique pratique Gravel. Départ prévu jeudi. Je me pose la question de le faire en deux, ou trois jours. Je réserve une auberge pour jeudi soir, et c'est tout. Unique contrainte...heure d'arrivée 18-19h!
Départ à 5h. Il fait nuit, il fait frais mais je suis équipé. Le vélo est lourd, il doit avoisiner les 15-16 kilos. Ça me change de mon vélo route et de ses 6.8 kg! Je suis sur un tank qu'il va falloir emmener durant 10-12 h d'affilée pour atteindre la bière à l'arrivée!
L'idée est de remonter la Moselle en restant au maximum à proximité. J'assiste à un magnifique et très progressif lever de soleil, ce qui, il faut l'avouer, m'arrive bien moins souvent que d'assister à des couchers.
Je suis seul sur les routes de campagne pour rejoindre la rivière, direction Corny sur Moselle, "départ réel" du périple. Je croise beaucoup de regards au loin, quelques renards me faussent compagnie. Parti le ventre vide, je sens quelques odeurs de croissants à proximité des boulangeries qui entrouvrent leurs portes. Ni ouvertes, ni fermées, comme c'est de tradition. Je finis par craquer et je fais ma première pause croissant arrivé à Corny, où je surprends la boulangère qui ne m'avait pas entendu sous la barrière, à peine relevée. Il faut m'imaginer en tenue de vélo, à quatre pattes: "Bonjour!!"
Je m'élance alors dans le vif du sujet, et il n'est pas négligeable...suivre la Moselle. Je connais les rives aux alentours de Metz-Thionville-Sierck. J'y vais régulièrement pour récupérer, en musique, car il n'y a pas de voitures. Il faut admettre que leur pratique est assez, voire très vite lassante. Au début, le parcours est néanmoins sympa, alternant passages gravels et sections routes, le tout avec le soleil commençant à pointer le bout de son nez...et à apporter un peu de chaleur et des tableaux qui valent le coup d'être vus.
Tout se passe bien, j'ai des bonnes jambes et le rythme que je m'étais imposé, aux alentours de 23 km/h est respecté...mais, vers 80 kms, alors que je contemplais la cathédrale de Toul, une douleur au genou droit, que j'ai bien connue il y a quelques années, engendrée par un mauvais réglage de cales, est apparue. Là, je pense que c'est lors des relances, debout sur le vélo, en cherchant à éviter la pochette fixée derrière la potence, et donc en excentrant les jambes, que l'inflammation est apparue...grosse erreur! Je ne suis qu'au début du périple et je sais d'avance que la douleur ne va pas s'en aller comme ça, au contraire. Par la suite, je ne me mets plus debout, j'essaye d'être le plus souple possible dans mon pédalage. Mon mental en prend un coup, j'essaye de penser à autre chose, notamment en me prenant en photo avec le petit klaxon poulet fixé sur mon cintre, que je vais offrir à ma nièce demain car son "pouet pouet" de son tout premier vélo est cassé. Il aura une petite histoire à raconter avant sa nouvelle vie!
La suite du parcours est par moment très lassante, avec parfois des lignes droites de plus de 20 kms, avec un moment une alternance d'écluses tous les 1-2 kms, et à un autre moment, sur la fin, des multiples "cédez le passage" très réguliers avec voitures pouvant couper la vélo-route...déjà avec un vélo léger c'est fatigant de relancer sans cesse, mais alors là, avec un vélo chargé, un genou en vrac, sans se mettre en danseuse, c'est pas évident...heureusement, quelques magnifiques passages "gravel" rendent le trajet moins monotone, avec des sections de Moselle comme on ne l'imagine pas forcément. Avant d'être une grosse rivière ayant l'allure d'un fleuve, comme on la connaît par ici, c'est un beau cours d'eau dans lequel je me serais bien baigné une paire de fois, si le temps ne jouait pas contre moi. Il faut dire aussi que la température estivale, heureusement pas encore caniculaire, s'y prêtait parfaitement!
La gêne au genou droit est parfois très difficile à supporter, me lançant par moment des 'coups de jus" dans toute la jambe. J'ai l'habitude de "gérer" les douleurs sur de longs efforts, mais là, en compensant naturellement avec la jambe gauche, j'ai maintenant mal aux deux genoux. Il me reste 30 km à faire...qui resteront comme les plus longs de ma courte carrière. La véloroute est en faux plat montant en continu, et je peine à maintenir le cap des 20 km/h. Je fais beaucoup de pauses, à chaque reprise la douleur s'estompe un peu, j'en profite pour m'alimenter et boire correctement. L'objectif est proche et une bonne bière commence à m'envahir l'esprit, à me donner le courage d'y arriver. J'utilise régulièrement ma sonnette pour écarter les jeunes piétons, et lorsque je passe au milieu d'une petite bande, je peux entendre "canarde, canarde!". Une myrtille atteint mon épaule. Dans ma tête ça m'a fait rire, mais je n'ai pas eu la force de leur répondre une connerie. Plus que 10 km, 5 km, et puis enfin j'arrive à Bussang. Je cherche mon auberge pour la nuit. Sur le GPS, je la vois à la sortie de la ville. Là, j'arrive au pied du panneau indiquant l'établissement...mais aussi le col de Bussang! J'espère qu'il n'est pas situé tout en haut! Heureusement, il se trouve quelques centaines de mètres plus loin.
Ouf, je suis arrivé, il est pile 18h! Je suis à l'heure pour l'enregistrement mais je demande d'abord "une bière, une grande, svp!"
La dame me répond: "Oui! Vous avez l'air d'en avoir bien besoin!". Les choses démarrent de la meilleure des façons! J'ai du mal à comprendre leur accent, un gros mélange d'Alsacien de Vosgien. Étrange. Une petite douche, puis je reprends une bière, une entrecôte, et des spaetzle. Ça fait du bien par où ça passe! Je mets la tv, en étoile dans mon lit, appréciant la fraîcheur de la nuit tombante. Je m'endors au bout de quelques minutes, laissant la tv allumée.
Je suis le premier à prendre le petit déjeuner, c'est royal et je mange tout ce qu'il y a sur la table, ne laissant pas une miette de pain. J'ai toujours mal aux genoux, je peine à monter et descendre les escaliers. Je le sens mal, d'autant plus que la difficulté du parcours, c'est pour aujourd'hui! Deux cols, 2500 mètres de dénivelé positif. Je suis un peu stressé, je dis à la réceptionniste: "Je tente le premier col, si ça ne va pas je vous appelle..." Mais ce n'est pas mon genre d'abandonner...elle m'encourage! "Ça va aller!" Si vous passez dans le coin, je vous conseille chaleureusement cette petite auberge vraiment très agréable en tous points.
Direction la source de la Moselle, première côte. Je ne sais plus comment pédaler pour atténuer la douleur. Je ne pédale plus "rond" et je sens que je n'améliore pas les chose en bougeant les jambes à droite, à gauche. Heureusement, la source est assez proche. Je suis assez déçu, c'est en fait un monument. Je m'attendais à quelque chose de plus sauvage mais bon il fallait s'y attendre. En tout cas, je pourrais dire que j'ai bu de l'eau de la Moselle, et à l'heure qu'il est, je ne suis toujours pas malade!
Je redescends et là j'attaque le premier col...la douleur est limite mais je sers les dents, je fais quelques arrêts et je me dis que je dois passer les deux cols...j'aviserai ensuite. Je mets quasiment 50 minutes pour monter, et je me dis: "quel dommage, ce col est si beau, j'aurais bien aimé le faire sans douleur et avec mon vélo de course..." Mais bon, aucun intérêt de tergiverser et je décide d'agir. J'avais déjà remarqué, la veille en arrivant à l'auberge, que ma "petite épine" (délire avec un client, suite à la réparation de sa crevaison: moi "c'était une petite épine", lui "une petite épine qui a fait son effet...", moi "c'est ce qu'elles me disent toutes...!") était engourdie, signe d'un bec de selle trop haut, avec une pression trop importante sur le périnée. Je sors donc mon multi-tool, et j'opère quelques changements: je baisse le bec de selle donc, je l'avance de 5 mm. Je ressers également la tension de mes pédales pour limiter un peu plus les mouvements de rotation de mes chaussures. Quand on ne sait plus quoi faire, il faut bien tenter quelque chose...j'entame alors la descente et je me fais plaisir en lançant mon tank à vive allure...quel bonheur les descentes de col!
Là, j'arrive à Cornimont, où je passe devant une première pharmacie. Je m'arrête, je ne m'arrête pas? Un anti-inflammatoire ne me ferait pas de mal. Je continue. Je passe alors devant une deuxième pharmacie. Je décide de m'arrêter, après une courte discussion avec le vendeur, qui me dit que la pommade est incompatible avec une exposition au soleil, il ajoute: "après votre sortie". Je lui explique alors qu'il me reste plus de 200 kms, qu'il faut que je rentre! Il fait les gros yeux et appelle la pharmacienne avec qui on conclut que je pouvais l'appliquer, que cette partie n'était pas trop exposée au soleil.
Je reprends ma route...et ce que je pensais être un col est en fait une longue, interminable montée, en ligne droite, sur une route très fréquentée par les voitures. Je m'en souviendrais du col de Feignes, que j'ai plus l'habitude de côtoyer pour la station de ski de la Bresse...par contre la descente est également interminable et le paysage est grandiose...magnifique! Je suis perdu en plein paysage montagneux, longeant les lacs en direction de Xonrupt. Là, miracle, je n'ai plus de douleur! De bonne augure pour la suite. Je pense que les réglages du vélo ont été plus bénéfiques que l'anti-inflammatoire, car ça a duré jusqu'à l'arrivée!
Je profite de chaque point d'eau, les pancartes "eau non contrôlée" sont moins dissuasives que celles où il est stipulé "eau non potable" comme on peut lire par chez nous. Les 100 premiers km de ce retour sont un régal pour un cycliste. Je me retrouve alors en sortie des Vosges, en sous bois, dans un nouveau (le seul du jour), passage gravel, absolument magnifique et sauvage, bien que largement praticable. La fin de ce passage est ponctuée par un nouvel arrêt à une fontaine, où un homme raclait je ne sais quoi. Sûrement le gardien de l'eau. Je lui dis "bonjour", il hoche la tête. J'avais l'impression de lui piquer son eau. Dans ce village, les gens avaient des mines étranges...une sorte de village abandonné.
Il me reste 130 km à parcourir à travers la campagne, laissant derrière moi l'objectif de mon périple. Au loin, je vois les montagnes et je me dis: "je viens de là-bas...!" Direction la maison.
Les routes sont agréables, et désormais je sens que je peux y arriver, qu'il va falloir pédaler tout en gérant les efforts. L'odeur des mirabelles et des quetsches me fait prendre quelques petits ravito', c'est délicieux et je les mange tout en montant tranquillement les côtes.
C'est assez étonnant de traverser ces villages où le temps semble s'être arrêté, où les vieilles machines du début du siècle dernier jonchent encore les abords des fermes. Je me fixe un nouvel objectif: arriver avant la nuit!
C'est une course contre la montre que j'ai fini par remporter...de justesse! A chaque village, j'espère lire un panneau avec un nom connu. Mais non, il va falloir encore patienter et ça commence à être long. Arrivé à Delme, où j'ai joué quelques matchs de foot étant plus jeune, je me dis que c'est gagné...encore quelques dizaines de kilomètres! Après avoir vécu le levé de soleil la veille, je contemple longuement le coucher, et quand on pédale contre lui, il va vite, très vite à descendre!
J'arrive enfin à Bazoncourt, avant dernier village avant mon arrivée. Je suis envahi par un énorme soulagement...j'y suis arrivé. De tous les efforts "longue durée" que j'ai pu faire, ce fut le plus difficile. Non pas par sa difficulté de parcours, mais surtout par la longueur de l'effort en solitaire. Là, il n'y a pas de public pour t'encourager, tu te sens seul la plupart du temps. J'ai été particulièrement frappé par le calme régnant dans tous ces villages traversés. Parfois, quelques enfants profitaient de leur piscine, mais globalement, c'était le grand silence.
Quelle belle balade!
La prochaine fois, ce sera sans course contre le temps! (et probablement sur une plus longue distance).
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Publié le :
22-26-05
Par Nicodivotour
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